Prochaine rencontre

Appel à communications: Le malaise dans la nature

janvier 14, 2025

Le malaise dans la nature

Conference SIPP/ISSP 2025

25-27 Juin 2025, Université d’Essex,

29 Juin, Musée Freud, Londres

Quel est ce mouvement pulsionnel en nous ? Où nous entraine t-il ? En ces temps de catastrophe climatique, de fascisme qui se répand et de génocides, le sujet psychanalytique est mis à l’épreuve lorsque l’on examine ses possibilités relationnelles. C’est dans la négativité, l’agressivité et le conflit que les discours psychanalytiques s’éloignent habituellement des discours politiques plats qui reposent, pour la plupart, sur des sutures morales conscientes pour imaginer des conditions de vie commune. Alors que les textes fondateurs de notre discipline reposent sur la séparation et l’altérité comme moyens nécessaires d’individuation, les savoirs féministes, décoloniaux et écologiques de longue date sont critiques dans leur engagement avec le sujet psychanalytique quand il s’agit d’envisager la perspective de formes de vie soutenable, humaines et autres. En nous attaquant aux crises actuelles, avec les morts et les tragédies qu’elles entrainent, nous nous demandons si tout cela finalement, n’est que la « nature humaine » ? Le questionnement philosophique de la psychanalyse peut-il s’orienter vers des nouages inédits des questions de nature, de culture, de civilisation et de langage? Peut-on trouver quelques précieux indices aussi dans les textes et les pratiques psychanalytiques moins canoniques ou marginales, mineures ? Et qui peut se permettre d’ignorer la nécessité de repenser la nature, le vivant, et les promesses de la médiation symbolique au XXIe siècle.

Freud, au milieu des années 1890, à la recherche d’une théorie psychologique de l’étiologie des névroses s’est radicalement distancé de ses prédécesseurs qui avaient fondé leur travail clinique sur les théories des pulsions formatives, des instincts naturels et de la dégénérescence. A ce moment-là, il semblait clair que la psychanalyse serait capable d’établir sa pratique clinique et sa métapsychologie sans dépendre de références à la nature. La théorie de la séduction est une théorie du trauma culturellement ancré avec des caractéristiques culturellement informées que Freud associera et structurera dans le complexe d’Œdipe. La psychanalyse freudienne commence par introduire une différence anthropologique entre d’une part la vie psychique des êtres humains, organisée, développée et perturbée dans un contexte culturel, et d’autre part la vie instinctuelle d’autres formes de vie organiques dans un habitat naturel. Cette différence semble être confirmée dans des écrits tels que Malaise dans la culture / Malaise dans la civilisation. Ici, la civilisation est considérée comme un processus par lequel l’humanité s’éloigne de la nature, la contrôle, la domestique et l’exploite. Dans la pensée anthropologique de Freud, la nature est l’autre de la culture et l’animalité l’autre de l’humanité. Ce qui caractérise la civilisation est un contrôle sur la nature et la répression des pulsions, c’est-à-dire un contrôle sur la partie animale de l’humanité qui serait l’expression libre de ses pulsions. Cette répression des pulsions est la cause des névroses. Et pourtant, ailleurs dans la pensée freudienne, la nature n’est pas l’autre de la culture, l’animalité n’est pas l’autre de l’humanité. Il existe des différences intéressantes à questionner sur le statut de la nature dans la pensée freudienne.

L’introduction du concept de pulsion dans les Trois essais relance les interrogations sur la nature de/dans la nature humaine, comme caractérisée par des forces, des énergies, des pressions, des poussées, des tendances, des principes et des fonctions qui interfèrent avec la vie psychique et la prédéterminent. Les spéculations phylogénétiques de Freud et le projet bioanalytique avec Ferenczi culminent avec Au-delà du principe de plaisir et Thalassa. Ce sont des textes dans lesquels la pulsion, la répétition et le trauma sont conceptualisés par rapport à l’origine et aux vicissitudes de toute vie organique. Dans de tels textes, il y a une continuité radicale entre la nature et la culture, protiste et organisme multicellulaire complexe, animal et être humain. On voit alors que pour Freud la continuité entre humains et non-humains correspond à un point de vue biologique, alors que la discontinuité entre humains et non-humains correspond à un point de vue culturel.

D’autre part, toute une série d’approches psychanalytiques reposent sur la centralité des références au symbolique et au langage, ce qui peut être vu comme le maintien d’une rupture entre nature et culture. Mais, même ici, la centralité de la référence au langage ne dispense pas de la nécessité de réfléchir à la manière dont il se positionne face à la nature et aux façons dont quelque chose qui résiste et revient à la même place doit être nommé « réel ». Dans la psychanalyse lacanienne, une certaine distance apparait entre le registre symbolique et celui de la nature. Mais n’est-il pas nécessaire de réfléchir aux modalités de cette distance ? Quel réel est imposé par la catastrophe environnementale ? Reconnaître le malaise dans/de la nature semble exiger de réfléchir au tournant subjectif que nous engageons quand nous posons à nouveau la question de comment vivre, qui est aussi la question de comment mourir.

La répression des pulsions et la pulsion de mort ont été mises au premier plan par Freud dans une tentative d’expliquer le malaise dans la civilisation/culture. Quels concepts faut-il mobiliser pour conceptualiser le malaise dans la nature ? Dans un contexte contemporain de discussions sur le réchauffement climatique et ses conséquences, la perte de la biodiversité et l’extinction de certaines espèces, ainsi que la pollution à grande échelle, la psychanalyse se confronte à nouveau à la question fondamentale de sa propre métapsychologie. Cela concerne la question de la différence anthropologique, ainsi que le domaine et les limites de la pratique clinique et de la théorie. Cela concerne également la conceptualisation psychanalytique, notamment le statut des concepts et des constructions théoriques qui sont dérivés des sciences – physique, biologie et chimie.

Dans le cadre de la conférence SIPP-ISSP de cette année, nous invitons les collègues à contribuer par des réflexions philosophiques et psychanalytiques cherchant à explorer, à déconstruire et à réimaginer la relation entre nature et culture, ou mieux, entre natures, cultures et au-delà. Nous sommes intéressés par des discussions qui considèrent la vie humaine, la vie non-humaine et la biosphère en relation avec l’éthique, la politique et l’ontologie, tout en maintenant l’inconscient et les pulsions comme le shibboleth psychanalytique fondamental. Nous sommes également intéressés par les réflexions sur les conséquences (épistémologiques, politiques et matérielles) de l’ignorance des forces de la catastrophe dans notre domaine, en considérant qui et quoi paie le prix d’une dépendance au clivage artificiel entre nature et culture.

Nous accueillons les propositions de communications et de panels en dialogue avec les thèmes suivants, mais pas seulement :

• La psychanalyse et le pluriverse

• La biologie freudienne au XXIe siècle

• Relationalité et affect

• Eco-anxiété

• Destruction et pulsion

• Ethnopsychanalyse

• Réel et nature

• Nature humaine

• Instinct x pulsion

• Le rêve

• Anthropologies psychanalytiques

• Psychanalyse, humains et non-humains

• Culpabilité écologique

• Anthropocène et anthropocentrisme

• Psychanalyse par delà nature et culture

• Féminisme et nature

• Pensées décoloniales et nature

• Philosophie de la nature

• La nature dans la géopolitique

• Phylogenèse en psychanalyse

Un résumé de 250 mots doit être envoyé à sipp2025@gmail.com d’ici le 7 février 2025.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *